26 avril 2024

Auto-suicide programmé par mon téléphone adoré

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Un des buts que je me suis fixé dans ma vie est de ne pas devenir accroc au téléphone portable. Alors, avec plus ou moins de résultats, selon les jours, j’en conviens, je m’applique à garder cette sorte de nouvelle drogue technologiquement inodore au fin fond de ma poche. Je ne le consulte que 3 ou 4 fois dans la journée (et encore), juste quelques secondes pour lire un sms ou voir si je n’ai pas raté d’appels auxquels pour la majorité je n’aurais de toute façon pas répondu, et le remet illico hors de ma vue afin d’en affaiblir son charme maléfique.

Pour résister à la tentation infernale, en tant que gros lecteur, je n’hésite pas à prendre un livre avec moi. Ce geste m’amène de temps à autre vers des situations que je trouve presque illogiques, voire burlesques. L’autre jour, il m’est arrivé de me trouver dans une salle d’attente entourée de retraités, au moins 5 ou 6. Ceux-ci, et tous sans exception, prenaient leur mal en patience en se faisant goulûment happer l’âme par leur petit écran magique, alors que moi, jeune quarantenaire qui ne l’est pas encore vraiment, je tenais dans mes mains le chef d’œuvre  »L’archipel du Goulag » de Soljenitsyne… Version papier, cela va de soi… Malaise… Quelques regards niais se croisèrent… Interloqués. Comme si quelque chose n’allait pas, n’était pas dans l’ordre logique des choses… Je crois qu’ils eurent, l’espace d’un instant, comme l’impression de se sentir incultes, médiocres même, mais les pouvoirs attractifs du petit écran chronophage étant tels qu’ils replongèrent promptement, au bout de quelques secondes de pseudo-réflexions, leur truffe rosacée dans le rail de coke virtuel proposé par Apple ou Samsung.

Lorsque je n’ai pas de livres en ma possession, je tue le temps en regardant le comportement des gens. Je dois vous dire que je vais de surprises consternantes en consternations surprenantes. Il ne m’est pas rare de constater à quel point le téléphone portable, cet infâme poison neurologique, s’est fait une place de choix dans la vie sociale des citoyens. La jeune génération, notamment, peut aisément se couper du monde plusieurs heures avec cet engin diabolique et ceci, au sein même d’un lieu public bondé de monde. La foule aura beau s’affairer bruyamment autour de lui, chacun des protagonistes, de passage, marquant aussi bien auditivement, que visuellement ou bien olfactivement sa furtive présence dans un flot ininterrompu d’intervenants, le jeune, englué dans une sorte de symbiose macabre avec Google et autres applis déshumanisantes, reste les yeux désespérément plaqués sur l’écran aux mirages miraculeux.

Également, c’est avec beaucoup de tristesse que je déplore à quel niveau le téléphone portable est devenu bien plus important que les personnes qui sont physiquement présentes à nos côtés. Lorsqu’un groupe de jeunes se réunit, il est facile de s’apercevoir que le centre des sujets de conversation, quand conversation il y a, est toujours le téléphone portable. On se montre et on commente des vidéos, des tweets, des sms, des photos… Quasiment aucune conversation ne vient botter l’affreux joujou en touche. Aucun échange verbal ne se fait sans qu’il y ajoute sa petite patte personnelle, sa vindicative prestation publique machiavélique. Il est souvent le chef d’orchestre, celui qui mène la danse à l’image de Mickaël Jackson dans Thriller où les humains seraient les zombies complètement déconnectés du réel. Cet affreux joujou ! Lui par contre ! Combien de fois vient-il botter en touche les humains ?! Il est même rentré dans les banalités qu’une conversation doit être immédiatement interrompues lorsque Maitre bigophone décide subitement de prendre la parole ! Plus aucune excuse est faite à celui qui parlait, d’ailleurs, il n’en réclamera pas non plus et ne se sentira même pas offensé, tant ce geste des plus impoli est rentré dans la plus légère des insignifiances, voir des funestes normalités. 

La bienséance s’est fait dérouiller, l’esprit critique est aux abonnés absents, l’auto-suicide programmé par notre téléphone adoré touche à son but final… D’ailleurs ! Il n’y a qu’à voir ! La plupart des jeunes utilisateurs de téléphone portable n’hésitent plus à porter leurs écouteurs dans les oreilles H 24… Comme pour signifier au reste de l’humanité que Grand Seigneur Téléphone Portable sera toujours et quoi qu’il arrive l’unique prioritaire. Désolant, n’est-ce pas ? Vous vouliez un renseignement ? Échanger quelques mots peut-être ? Allez ! Osons un léger sourire agréable et courtois. Passez votre chemin ! Humains méprisables ! Effacez-vous ! Confondez-vous en plates repentances pour avoir eu la maladresse de vouloir couper la parole de Môôôsieur Portable Toxique ! Quand la machine parle ! L’humain doit obéir et stopper toutes formes de communication !  

Sans nous en rendre compte, nous sommes devenus les jouets de notre propre jouet. Il occupe souvent une place stratégiquement importante dans notre vie. Il nous donne la météo, nous montre les pubs et vidéos qui nous intéresse, nous réveille le matin, nous offrent des sujets de conversation… Il assouvit nos petits côtés voyeurs et pervers… Il nous fait rire et pleurer… Il nous propose de nous distraire, nous informe, nous conseil et nous oriente dans nos choix de vie et nos réflexions… Enfin, il nous fait oublier la valeur des rapports humains en accaparant totalement notre attention au détriment de la personne qui se trouve réellement à nos côtés. Il fait disparaître le réel en le virtualisant. En bref… Il contrôle nos vies.
Le temps que nous passons à adorer l’objet de notre assuétude est définitivement perdu. Un temps si précieux, ou nous pourrions échanger, nous enrichir les uns des autres et vivre notre vie d’humains… Tout simplement…

Et puis entre vous et moi, où est le plaisir à perdre son temps avec cet espion virtuel décisionnaire des moindres de nos actes et pensées ? Que recherche-t-on à travers ce petit écran chimérique ? Et au final, qu’est-ce qu’on y trouve de concret ? De réel ? D’humain ?

La machine avant l’humain ou comment nous nous sommes fait déshumaniser.

Article écrit par Augustin du Réveil des Moutons 

 

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1 thought on “Auto-suicide programmé par mon téléphone adoré

  1. Bonjour Manu,

    Je suis Maria Murillo, une mêre de famille espagnole. Merci beaucoup pour vos réflexions pointues, directes, sans appel. C’est une consolation de constater que la Chrétienté est encore vivante et jeune ( de quarantaine).
    Salutations chaleuseuses de l’Espagne et courage dans le Combat, cher camarade!

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