COMMENT AVEZ-VOUS OSÉ ?
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Ce matin, une fois n’est pas coutume et comme des millions de gens, j’allume bêtement la télé et tombe sur les infos. Il est question d’un tag et un journaliste nerveux parle d’indignation générale. J’augmente le son. Le collab… euh..le journaliste, costard cravate valant facilement 3 smics et vociférant contre cette nouvelle agression, conteste avec véhémence l’acte odieux qu’il a devant les yeux. Postillonnant sur son micro et sa petite main frêle et tremblante, il fustige les auteurs de cette abomination et appel les autres bons citoyens à dénoncer un tel acte si outrageant. Ses yeux rougis sortent maintenant de leur orbite, ll condamne fermement cette odieuse machination contre la république, contre la liberté humaine, faite par des nazis, des assassins sans âmes qui ne sont même plus des hommes selon lui et qui méritent un châtiment à la hauteur de leur dangerosité. De telles personnes, qui ont ainsi le culot de vouer aux gémonies, par ce geste infamant, toute dignité, tout respect, toutes les valeurs des droits de l’homme ne sont que des monstres indignes d’aucune sorte de respect. Le journaliste gonfle son maigre thorax et se redresse pour adopter une posture d’homme fier qui ne lui est pas naturelle. Il se mouche bruyamment entre deux restes de sanglots étouffés par une rage indescriptible, et, fort d’un lâche courage procuré par le soutien assuré de l’État et de ses seigneurs chéris, explose enfin dans un torrent d’injures, car ce qu’il a juste devant lui est une torture mentale insoutenable. Les auteurs de ce crime affreux sont ainsi salis, invectivés et jetés dans les bas-fonds de l’inhumanité la plus détestable. Tel est le sort qui doit leur être justement réservé. Certains êtres humains, ces sauvages, ces choses immondes selon lui, ne devraient pas avoir le droit de vivre, car à eux seuls, ils mettent en péril le monde entier et ceci n’est pas envisageable. Ignorer l’autorité à ce niveau-là ne relève plus de la simple infraction, mais de la haute trahison. Il brandit fébrilement le point, en appel aux policiers, à l’armée, au gouvernement, à une justice revencharde, aux sages citoyens conscients et que sais-je encore, à lutter fermement contre les ennemis de la liberté. Il faut agir vite, avoir la main ferme, mettre hors d’état de nuire ces parasites avant que l’idée ne se propage et mette sa sainte tranquillité en péril. La pâte blanche qui s’était formée au creux de ses lèvres coule maintenant le long de son menton pointu. Les cheveux grisonnants en bataille, il fixe la caméra avec un regard aussi fourbe qu’halluciné qui exprime l’incompréhension la plus totale. Comment de tels morpions si méprisables, ont-ils pu avoir l’effronterie de s’opposer ainsi à sa parole de maître de la pensée incontestée ? Selon lui encore, la liberté n’a jamais été autant mise à mal. L’avenir de l’Humanité avec un grand « H », celle qui répond à l’immense république des lumières divines, à la bienfaitrice démocratie, aux joies saines du vivre ensemble, à l’intouchable progressisme et au bien contre le mal en général ne peut définitivement pas se permettre de se faire ainsi humilier de la sorte. Les heures les plus sombres de notre histoire se cachent peut-être là, juste derrière ce tag… C’est une attaque vicieuse, un appel à la désobéissance civile insupportable, une insulte à notre « élite », à ses vénérables maitres indiscutables devant lesquels il se plaît à ramper docilement pour un avenir commun prometteur et, au passage, quelques petits su-sucres et récompenses personnelles. À son plus grand désarrois bien sûr, il en vient même à penser très fort et presque du bout des lèvres, qu’en des circonstances exceptionnellement mortifères comme celle-ci et seulement aux désidératas de nos indéniables élus démocratiquement auto-proclamés que, pour la survie de nos enfants, de nos parents, de nos proches en général ainsi que tous ceux que l’on aime et que l’on porte tendrement dans nos cœurs, le meurtre pourrait malheureusement s’avérer salutaire…
Il marque quelques secondes de silence en ce jour glacial appuyant une atmosphère d’épouvante. Son visage se raidit et se ferme, sa morve rentre sagement dans son nez crochu, ses petits yeux se noircissent et d’un geste colérique non retenu ordonne au cameraman de cadrer l’innommable. Le tag apparaît dans toute sa répugnante laideur et je peux lire, paralysé par l’effroi et le dégoût :
« NON AU PASS SANITAIRE »
Article écrit par Augustin pour le Réveil des Moutons
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