La liberté d’expression en danger…
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La liberté d’expression est un droit fondamental qui devrait être protégé en toutes circonstances.
En droit français, le point d’ancrage de la liberté d’expression se trouve dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui stipule dans son article 10 que « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». L’énoncé montre bien l’importance de la résistance individuelle face à l’Etat coercitif. L’article 11 de la Déclaration de 1789 va même encore plus loin en formulant un mode d’emploi concret de cette liberté, rappelant que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ». La formulation n’est pas seulement belle et solennelle. Elle est puissante car elle pose le principe que la liberté d’expression est l’expression même de la liberté humaine. Malheureusement pour les Français, cette liberté a été constamment réduite par des ajouts législatifs successifs jusqu’à ce qu’en 2020, sous l’emprise de l’Etat d’Urgence Sanitaire qui instaure un régime politique d’exception, la liberté d’expression soit fortement remise en cause.
Du 29 juillet 1881 qui consacre la liberté de la presse jusqu’à aujourd’hui, jamais la liberté d’expression n’a été autant menacée. En 1972, la loi Pleven, souhaitant lutter contre le racisme et l’antisémitisme, marque une première étape dans le durcissement de la loi de 1881 au risque de développer une approche communautariste qui n’est pas vraiment dans la nature du droit français. Désormais, toute incitation à la haine par des propos ou des écrits publics devient une infraction pénale. Le délit de « provocation publique à la haine raciale » inscrit dans l’article 1 de la loi de 1972 est passible de plus d’un an de prison et/ou de 45 000 euros d’amende. Le Législateur, confronté à la difficulté juridique de définir l’objet de la discrimination sans l’objectiver, a opté pour des formules vagues comme « l’appartenance vraie ou supposée… » qui ouvrent la porte à tous les abus et à des condamnations quasi systématiques. Tout au long du XXème siècle, sous la pression des lobbys, la lutte contre les discriminations s’est durcie dans notre pays, transposant les hypothèses d’injures raciales ou religieuses dans les domaines du sexisme, du handicap et de l’homophobie. En 1990, le cadre répressif se renforce avec la loi du député communiste Jean-Claude Gayssot, dans le cadre du Droit mémoriel, qui vise à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe et permet là encore de systématiser les condamnations. L’article premier de cette loi énonce que « toute discrimination fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion est interdite ». Malgré les pétitions et les recours en anti constitutionnalité, cette loi demeure dans l’appareil législatif français bien que beaucoup reconnaissent qu’elle légalise le délit d’opinion. En 2001, la Loi Taubira ajoute une nouvelle pierre à l’édifice pénal des délits d’expression en qualifiant l’esclavage et la traite négrière de crimes contre l’humanité. Napoléon Bonaparte qui a rétabli l’esclavage en 1802 avant qu’il ne soit supprimé en 1848 est définitivement mis au ban de l’Histoire de France et interdit de commémoration.
En 2013, la censure monte d’un cran en apportant une reconnaissance institutionnelle aux actions collectives que les individus soient directement visés ou non par une discrimination. Considérant que les victimes sont souvent trop fragiles ou vulnérables pour se défendre face au maquis juridique de la législation, l’article 48-1 de la loi de 1881 prévoit dès lors que « toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts, de défendre la mémoire des esclaves et l’honneur de leurs descendants, de combattre le racisme ou d’assister les victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse, peut exercer les droits reconnus de la partie civile ». En 2014, la loi étend ces mêmes prérogatives aux associations loi 1901 visant à « combattre les discriminations fondées sur l’orientation ou identité sexuelle ou d’assister les victimes de ces discriminations ». La censure atteint là un point culminant. Combien d’associations épient le moindre dérapage de langage sur les réseaux sociaux pour se constituer partie civile, intenter des procès à des personnalités – élus, éditorialistes, humoristes – car elles sont certaines d’être entendues par les tribunaux ? La législation a ainsi entraîné un effet d’aubaine à la fois médiatique et financier pour la plus grande satisfaction des groupuscules sectaires et communautaristes qui, au nom de l’islamophobie, de la xénophobie, de l’homophobie, de la transphobie… traquent le lanceur d’alerte et le font systématiquement condamner. Durant le quinquennat d’Emmanuel Macron, jamais la répression pénale des délits de presse, d’opinion et d’expression n’a été aussi forte. L’engorgement de la 17ème chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris spécialisée dans les délits de presse est désormais connu.
Enfin, depuis mars 2020, depuis la légalisation de l’Etat d’Urgence Sanitaire, s’est institutionnalisée une véritable « dictature d’opinion » sous la pression des réseaux sociaux. Malheur à celle ou celui qui ne se soumet pas à l’idéologie du « politiquement correct ». Sa réputation réelle et numérique sera définitivement compromise. C’est ainsi, au nom de cette doxa totalitaire, que des comptes Twitter sont arbitrairement fermés, que des vidéos sur YouTube sont supprimées, que des publicités (confer Evian) sont retirées de l’affichage pour ne pas froisser les impétrants … Le basculement est radical. Avec l’avènement de la tyrannie sanitaire, il s’agit pour les minorités (LGBT, indigénistes, racialistes…) de terroriser pour mieux façonner l’opinion publique en influençant la masse des citoyens passifs. Combien sont ceux qui ont eu l’audace d’exprimer une pensée singulière ou de contester la stratégie du gouvernement et qui se voient condamnés à des peines de prison avec sursis ou à des amendes exorbitantes ? Les dérives en matière de délits d’expression sont de plus en plus nombreuses et The Economist a eu raison de souligner en février 2021 que la France est désormais considérée comme « une démocratie défaillante ».
Il ne reste désormais plus rien de l’esprit et de la lettre de la loi du 29 juillet 1881. Les gouvernements successifs ont réussi à en éliminer le cadre protecteur. Il est donc urgent de la réécrire ou mieux, de l’abroger définitivement en raison de son obsolescence et de son illibéralisme.
Tribune d’Agnès CERIGHELLI, Présidente du mouvement Les Souverainistes