29 mars 2024

Mendicité agressive, le cas Papacito

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« Plus nous nous élevons, plus nous paraissons petits aux regards de ceux qui ne savent pas voler. »

Nietzsche

J’ai découvert ce personnage haut en couleur dénommé Papacito voilà des années au gré de mes recommandations youtube. Accent du sud-ouest à couper au couteau, sens de l’esthétique bien à lui, gouaille certaine et discours percutants. Comme beaucoup, je fus intrigué par cette nouvelle figure montante des médias dits alternatifs. Non sans un certain talent, il abordait des sujets très éclectiques du moyen-âge en passant par l’éloge de dictateurs du tiers-monde ou la critique des urbains et de la gauche en général. Le ton résolument orienté « punchline » et le traitement toujours très superficiel des sujets fait de bons mots et de lourdes omissions ne laissaient que peu de doutes quant au public ciblé par ses monologues : les jeunes générations et spécifiquement les jeunes actifs quelque peu dubitatifs vis à vis de l’orientation générale de la société « française ». Dans une interview à Valeurs actuelles, il déclarait vouloir « faire un contre Canal + culturel, fun mais porteur d’idées patriotes et plus réactionnaires. »

Tout un programme donc. D’autant plus lorsque l’on sait que « l’influenceur » se rêvait comédien allant jusqu’à s’essayer au métier d’acteur en 2016 dans un film autoproduit (la Justice des gros flingues). Sans succès.

Il mettra donc ses talents de saltimbanque et d’agitateur au service de « la cause nationale » et accessoirement de sa maison d’édition (Ring). En effet, il publiera trois livres entre 2018 et 2020 largement appuyés par un marketing très efficace : une figure clivante et bigarrée, décriée par la presse de gauche hurlant au fascisme (sujet que notre Papacito n’évoque jamais au passage), complaisamment relayée par la presse prétendument de « droite », des entretiens fleuves réalisés à intervalles réguliers mais suffisamment espacés dans le temps pour générer l’attente et simuler la rareté, sans contradicteur, dans un semblant d’improvisation et avec des tonnes de phrases choc. Succès garanti dans notre époque factice où tout n’est que communication, image, prêt à penser, prêt à consommer.

En parallèle, l’autoproclamé « roi des Wisigoths » prétend s’investir dans l’aventure gilet jaune, lui le petit fils d’immigrés rouges espagnols ne pouvait rester insensible à cet aspect social, à cette misère de la France périphérique dont il prétend se soucier (plus que de ses ventes de papier). Ses déclarations tonitruantes de l’époque disant, je cite, « que seule l’action violente ferait bouger les choses » semblent être restée au stade d’incantations. Il récidivera tout récemment, cet été, avec la polémique suite à une vidéo dans laquelle un mannequin grimé en militant gauchiste se fait rafaler avec ce titre provocateur : le gauchisme est-il pare-balles ?

Là encore, énorme buzz. A tel point que notre Zemmour national prendra position pour lui en direct, l’appelant son ami et le faisant donc de fait entrer au sein de la nébuleuse Z dont j’ai parlé il y a peu.

Et nous voilà donc à la rentrée, en ce mois de septembre 2021, dans une situation toujours aussi critique en matière d’insécurité (« des têtes de profs roulent dans les rues » dixit notre trublion toulousain), pour ne rien dire du contexte tyrannique sous couvert sanitaire avec bientôt la vaccination obligatoire pour tous, enfants de 5 ans compris, le pass sanitaire, les déficits abyssaux, l’abrutissement général, etc.

C’est le moment choisi par Papacito pour faire appel à la générosité de sa « communauté », pour monétiser son audience comme l’on dit en web marketing.

Dans cette vidéo surréaliste, dont l’intitulé comporte le terme de justification, notre réincarnation du chevalier Bayard se lance dans un numéro de mendicité agressive inouï. Je ne m’étendrai pas sur l’obscénité des « arguments », sur la médiocrité de la prestation mais plutôt sur l’enthousiasme de son public.

Vous savez ce public qui se goberge sur la Reconquista à coup de masses d’arme, qui regarde des tutos sur comment construire un trébuchet, qui adore vomir sur les gauchistes woke, les cucks de centre-ville. Eux sont simplement des cucks de banlieue apparemment, Qui se pignolent sur la France d’avant, sur le terroir, sur les métiers manuels mais qui ne savent pas changer une ampoule. Eux se précipitent pour donner à leur Papa(cito) qui les faits se sentir moins seuls, moins médiocres, plus virils à peu de frais. C’est si vrai qu’en à peine quelques heures, la cagnotte de leur héros est déjà bien garnie :

https://www.leetchi.com/c/4×4-de-fdp?utm_source=copylink&utm_medium=social_sharing

D’aucuns pourraient me rétorquer que je suis jaloux, envieux de ce du Guesclin de pacotille qui, lorsqu’il déprime un peu de devoir payer enfin de sa personne (au lieu de toucher des droits d’auteur) pour les discours qu’il a tenu, se console en faisant financer son shopping par des gogos. Une attitude masculine bien connue, dès que je me sens mal, je vais au centre commercial, pas vous ?!

Cependant, je dois confesser que j’éprouve non pas une forme de jalousie vis à vis de cette audience de mécènes compulsifs, mais bien un profond dégout et une amertume certaine. Car voyez-vous chers lecteurs, la répression judiciaire et étatique coute cher, très cher à bon nombre de (vrais) militants de terrain, d’anonymes de l’ombre qui depuis des décennies ont perdu leurs économies, leurs emplois, leurs familles, certains jusqu’à leur propre vie. Dans l’indifférence générale des mêmes qui sponsorisent allègrement ce genre de comédien raté, cette presse faussement subversive, ces dandys de salon nietzschéen, et plus généralement tous ceux qui se regroupent actuellement autour de notre sauveur, monsieur Z. Si ne serait-ce que dix pourcent de ces ahuris faisaient sécession radicalement avec le Système, cherchant à s’en émanciper réellement, à y résister en construisant des réseaux de solidarité locaux, voir en finançant des initiatives constructives (autre que de tapiner en 4×4) alors peut être des alternatives sérieuses émergeraient. Car comme chacun sait, l’argent est le nerf de la guerre, celle qui nous est faite ou celle que nous serions en mesure de mener. Voilà les termes de l’équation posés.

A votre bon cœur, messieurs, dames.


Article écrit par Jules pour le Réveil Des Moutons.

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