27 juillet 2024

Mon remplaçant

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Et bien voilà ! Ce qui devait arriver arriva… En ce moment, et je vous assure que cela est bien malgré moi, je n’ai rien à vous mettre sous la dent pour rassasier votre gargantuesque appétit de lecteurs des plus exigeants. Rien… Ah ! J’ai beau secouer mon stylo plume énergiquement dans tous les sens, rien… Pas une goutte d’encre ne vient étancher votre éternelle soif de lire. Que mon âme est en peine ! Alors pour cette fois, une fois n’est pas coutume, ne m’en veuillez pas chers lecteurs, j’ai décidé de faire confiance à un petit nouveau. Hélas ! J’imagine d’ici le cœur rongé par la culpabilité, l’amère déception vous envahir à la lecture de cette épouvantable nouvelle ! Non, mes amis, ne pleurez pas ! Séchez ces larmes de crocodile que je n’oserai laisser couler le long de cette admiration raisonnée que vous me portez si justement. Tout de même, c’est avec une amertume pugnace que je me vois dans l’obligation de persister et signer, aujourd’hui, vous n’aurez malheureusement pas la chance d’éclairer votre vision du monde grâce à ma fabuleuse plume. À mon grand désarroi, ma grandiloquente éloquence littéralement littéraire n’épousera pas votre manifeste intelligence. C’est ainsi mes amis… C’est ainsi… Nous allons devoir nous faire une raison. Comme le soufflerait mélodieusement le sage poète Darmanin »calmez-vous, ça va bien se passer ».

J’ai décidé, vous dis-je donc, sous une avalanche de charité qui me caractérise fort bien, je dois bien vous le confesser, de donner sa chance à un petit nouveau. D’autres le nommeront débutant… Certes ! Il ne possède pas vraiment la justesse, la maturité, ni le style époustouflant d’un maître tel que moi, mais ne vous inquiétez pas, je crois déceler chez lui un certain potentiel et ceci ne sera pas, je m’y engage, une si grande perte de temps. S’il vous plaît, mes amis, lisez-le patiemment sans vous attendre à être émerveillés par quelques phrases miraculeusement sorties du chapeau des génies comme j’en ai le modeste secret. Soyez indulgents et bienveillants devant la naissance d’un éventuel futur talent ! Je vous en conjure ! Faites au moins ce sacrifice avec le désir me faire plaisir, s’il vous plaît. La bonne âme que je suis permet à cet écrivain en devenir de faire ses premières armes devant le magnifique public que vous êtes et c’est avec fierté que je lui fais profiter de ma notoriété dans le domaine pour lui permettre, à force d’entraînements et de sacrifices, d’égaler un jour peut-être l’humble artiste accompli que je suis. J’ose espérer également, qu’il aura eu la malice de s’inspirer de mes écrits afin de sublimer les siens. L’élève s’inspire du maître, c’est de bonne guerre, n’est-ce pas cher lecteur ? C’est ce que nous n’allons pas tarder à découvrir tous ensemble. Je vous présente celui qui aura dorénavant la chance, faute de mieux, donc de moi, d’être mon remplaçant quand le syndrome de la page blanche viendra me chatouiller l’esprit, le jeune, mais non moins prometteur Louis-Ferdinand Céline !

« Il n’y a de repos, vous dis-je, pour les petits, que dans le mépris des grands qui ne peuvent penser au peuple que par intérêt ou sadisme… Les philosophes, ce sont eux, notez le encore pendant que nous y sommes, qui ont commencé par raconter des histoires au bon peuple… Lui qui ne connaissait que le catéchisme ! Ils se sont mis, proclamèrent-ils, à l’éduquer… Ah ! Ils en avaient des vérités à lui révéler ! Et des belles ! Et des pas fatiguées ! Qui brillaient ! Qu’on en restait tout ébloui ! C’est ça ! Qu’il a commencé par dire, le bon peuple, c’est bien ça ! C’est tout à fait ça ! Mourons tous pour ça ! Il ne demande jamais qu’à mourir le peuple ! Il est ainsi. “Vive Diderot ! Qu’ils ont gueulé et puis “Bravo Voltaire ! En voilà au moins des philosophes ! Et vive aussi Carnot qui organise si bien les victoires ! Et vive tout le monde ! Voilà au moins des gars qui ne le laissent pas crever dans l’ignorance et le fétichisme le bon peuple ! Ils lui montrent eux les routes de la Liberté ! Ils l’émancipent ! Ça n’a pas traîné ! Que tout le monde d’abord sache lire les journaux !

C’est le salut ! Nom de Dieu ! Et en vitesse ! Plus d’illettrés ! Il en faut plus ! Rien que des soldats citoyens ! Qui votent ! Qui lisent ! Et qui se battent ! Et qui marchent ! Et qui envoient des baisers ? À ce régime-là, bientôt, il fut fin mûr le bon peuple. Alors n’est ce pas l’enthousiasme d’être libéré, il faut bien que ça serve à quelque chose ? Danton n’était pas éloquent pour les prunes. Par quelques coups de gueule si bien sentis, qu’on les entend encore, il vous l’a mobilisé en un tour de main le bon peuple ! Et ce fut le premier départ des premiers bataillons d’émancipés frénétiques ! Des premiers couillons voteurs et drapeautiques qu’emmena le Dumouriez se faire trouer dans les Flandres ! Pour lui-même Dumouriez, venu trop tard à ce petit jeu idéaliste, entièrement inédit, préférant somme toute le pognon, il déserta. Ce fut notre dernier mercenaire… Le soldat gratuit ça, c’était du nouveau… »(1)

Avouez que vous y avez finalement laaarrrrgement gagnés au change n’est-il pas !!! Hahaha !!!
Je précise pour ceux qui auraient encore un doute, vu la qualité indéniable de ma plume, que ceci est de l’humour. Céline est et restera LE Maître… Après moi.

(1) Extrait du livre  » Voyage au bout de la nuit  » de Louis-Ferdinand Céline.

Article écrit par Augustin du Réveil des Moutons

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