27 avril 2024

Nouvel Entretien avec Scipion de Salm sur l’actualité géopolitique par Le Cosaque

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Scipion de Salm bonjour, merci de nous accorder à nouveau un entretien. C’est avec plaisir que nous vous recevons. Lors de notre dernier entretien nous évoquions l’éventualité d’une attaque Russe en Ukraine. L’opération Russe a lieu depuis près de deux semaines désormais. Comment expliquer ce revirement soudain de la situation ?

Bonjour, merci à vous de me recevoir à nouveau, sur votre média alternatif qui a toute ma sympathie.

Le contexte géopolitique en Ukraine a en effet basculé depuis un peu plus de deux semaines (le 24 février) dans la tragédie, une vraie guerre, avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Nous ne pouvons que le déplorer. Des dizaines de milliers d’Européens vont mourir, et des meilleurs, dans notre continent déjà démographiquement si déprimé, particulièrement en Europe de l’Est.

Plus qu’un revirement, c’est un développement, pour le pire, d’une situation déjà très tendue. Nous en avions parlé il y a quelques semaines. Après tous les mensonges de la CIA, comme les fameuses « armes de destruction massive » en Irak en 2003, on ne voulait certes guère croire les annonces très explicites depuis décembre 2021 du président Biden. En fait, il ne s’est trompé que de quelques jours. Poutine a probablement repoussé une invasion planifiée un peu plus tôt par égards pour les Jeux olympiques d’hiver de ses partenaires chinois (tenus à Pékin, du 4 au 20 février). Ce fut d’ailleurs une erreur sur le plan strictement militaire, l’effet de surprise étant nul, et le cœur de l’hiver dépassé, d’où des situations de dégels, puis de regels, handicapant les mouvements des colonnes blindées russes. Mais politiquement, ceci se comprend, ne pas fâcher le seul grand allié potentiel de la Russie étant en effet essentiel.

 

Où en est l’opération actuellement ?

L’invasion russe progresse à peu près bien dans le Sud de l’Ukraine. C’est le fait militaire majeur que l’on voit trop peu, du fait que les villes secondaires, comme Kherson, et les plaines méridionales du pays, sont beaucoup moins spectaculaires, et couvertes médiatiquement, que les combats urbains pour les capitales, Kiev, capitale politique, et Kharkov, capitale économique. Cette invasion par le Sud devrait permettre dans un premier temps d’isoler la meilleure armée ukrainienne, sur le front du Donbass, puis celles de Kharkov et de Kiev, en remontant vers le Nord, par les deux rives du Dniepr.

Toutefois, l’Ukraine n’a manifestement pas été écrasée en deux semaines. Dans notre société de l’immédiateté, cette lenteur apparente est souvent analysée comme un échec, thème principal de la propagande de l’Ukraine et de l’OTAN. En fait, la Russie peut vraisemblablement l’emporter en deux mois. Ce serait relativement rapide quand même. Et c’est à comparer au mois d’invasion de l’Irak par l’armée des Etats-Unis au printemps 2003, avec une disproportion des moyens beaucoup plus considérable entre les deux camps. Il est seulement vrai que la Russie a sous-estimé la capacité de résistance de l’Ukraine ; avec des effectifs et du matériel de l’ordre du double pour l’armée russe en Ukraine, par hypothèse, chose à sa portée, les combats auraient été déjà achevés aujourd’hui au profit de la Russie. Dans la configuration actuelle, l’armée russe en Ukraine manque d’infanterie d’accompagnement pour ses blindés et pour mener les assauts des villes. Actuellement, l’Ukraine doit aligner 300 000 hommes face à 200 000 Russes, mais avec une nette infériorité en nombre de chars, de pièces d’artillerie, d’avions de combat.

Néanmoins, cette erreur sera corrigée, si la guerre se prolongeait, par les ressources très supérieures de la Russie.

 

Vladimir Poutine a évoqué les objectifs de « démilitarisation » et de « dénazification », quelle analyse portez-vous sur l’emploi de ces termes ?

Il faut bien reconnaître que la communication russe a été lamentable dans cette affaire. Envahir l’Ukraine, soit une action calamiteuse sur le plan international -envahir un pays étranger ne se fait pas, c’est digne des Etats-Unis !-, correspond certainement aux intérêts fondamentaux de la Russie. Ces derniers tiennent à certaines permanences historiques, l’extension de la Russie jusqu’à la Mer Noire -après deux siècles de combats difficiles, du XVIème au XVIIIème siècle-, ou à des progressions récentes et dangereuses de l’OTAN, encerclant déjà la Russie, de la Turquie à l’Estonie, ou le danger, imminent, de re-nucléarisation de l’Ukraine. Curieusement, l’hypothèse d’une bombe atomique dans l’armée ukrainienne ne dérangeait personne à Washington, alors que ce thème, au nom du principe affiché de non-prolifération, fait hurler depuis 20 ans pour l’Iran -qui ne dispose d’ailleurs toujours pas l’arme suprême-. Il aurait fallu expliquer tout ceci explicitement au public russe comme international, dire la vérité plutôt que déployer un discours farci de mensonges néosoviétiques absurdes.

Avec ces « néonazis » ukrainiens, Poutine parle avant tout à sa base électorale, les boomers soviétiques, dont il est d’ailleurs, absolument traumatisés par la disparition de leur monde avec l’URSS en 1991. Ils sont l’exact pendant des boomers macronistes chez nous, peut-être pas si différents, avec un même antifascisme délirant, coupé de toute réalité. Enfin, non, il n’y a pas de « néonazis » en Ukraine, ou alors de façon très marginale -et il faudrait définir précisément le terme avant toute chose-, et ils ne participent absolument pas -s’il s’agit des nationalistes ukrainiens les plus authentiques- au gouvernement du libéral sioniste Zelensky à Kiev.

Les motifs profonds de cette invasion restent donc rationnels du point de vue russe, avec comme objectifs de guerre réels une Ukraine probablement amputée de ses régions les plus russophones du Donbass, voire de toute sa moitié méridionale ou « Nouvelle-Russie », et réintégrée pour le reste dans la clientèle politique, même de façon forcée, de Moscou.

Quant à la « démilitarisation » réclamée, elle appartient au registre classique des garanties recherchées par le vainqueur, qui veut éviter la revanche du vaincu. On trouve de nombreux précédents dans la Grèce ou la Rome antique, avec les mesures imposées par Sparte à Athènes après la Guerre du Péloponnèse (431-404) ou Rome à Carthage après la Deuxième Guerre Punique (218-202), ou plus récemment le désarmement imposé par le Traité de Versailles à l’Allemagne en 1919. Ce dernier exemple a été d’une efficacité certes discutable, mais, précisément, la revanche allemande a eu lieu en 1940, et pas dès 1925 ou 1930. Il y a aussi, probablement très présent dans la pensée de Poutine, le modèle de la « finlandisation » : Helsinki a échappé de justesse à la soviétisation, subie par toute l’Europe de l’Est, de Berlin-Est à Sofia, en 1944-1945, à la condition sine qua non d’une certaine démilitarisation et d’un alignement de facto de la politique extérieure sur celle de l’URSS. Ainsi, le seul espoir raisonnable de paix reposerait sur une finlandisation (le terme existe, depuis les années 1950) de l’Ukraine, avec des amputations territoriales réduites à Lougansk et Donetsk.

Cependant, poussé manifestement à bout par l’hystérie hostile en Occident et la dure résistance ukrainienne -avec un refus de négocier sur des bases réalistes-, Poutine pourrait vraiment mener une guerre dure prolongée, réorganisant tout le territoire ukrainien à sa guise, et expulsant le quart ou la moitié de la population de l’Ukraine franchement irréconciliable. Cette hypothèse de 10 à 20 millions d’Ukrainiens perdant leur patrie, définitivement, et poussés à submerger l’Occident, en créant au passage une crise des réfugiés -des vrais ceux-ci- dans des proportions dantesques inédites, est hélas à envisager, comme scénario du pire certainement, pas forcément le plus probable heureusement, mais crédible. Il y en a déjà près de 3 millions après seulement un peu plus de deux semaines. Qu’en sera-t-il dans deux mois ?

 

Nous observons une escalade des tensions et un camp occidental qui se calque sur l’atlantisme, des sanctions aux menaces de guerre, comment interpréter l’hystérie collective ?

Nous vivons décidément dans des sociétés de l’hystérie permanente. Après exactement deux ans sur la Covid, peste imaginaire qui devait emporter des millions d’entre nous -heureusement non-, il y a eu un basculement brusque et total sur le danger russe, qui nous menacerait tous, de la France au Japon, en passant par la Pologne et la Roumanie -qui, comme c’est un peu moins absurde atteignent des sommets dans le genre-.

Cet épisode montre la puissance de la propagande des Etats-Unis, ainsi que leur influence multidimensionnelle directe : tous leurs clients ont suivi l’hystérie antirusse et pro-ukrainienne, de la France au Japon. Et ce d’ailleurs spontanément, ce qui démontre s’il en était besoin l’ampleur de l’emprise, morale et culturelle tout autant que politique et militaire.

En effet, depuis 1776 et leur Révolution, les dirigeants états-uniens, se croient un rôle messianique pour l’Humanité, et l’incarnation du camp du Bien. Ce messianisme repose sur des fondements maçonniques, issus d’un protestantisme à peine laïcisé. Cette ambition n’a concerné que l’Amérique au XIXème siècle (Doctrine Monroe), puis a été étendue au monde entier par le président Wilson lors de la première guerre mondiale (1917-1918 pour ce pays). Cet interventionnisme a été imposé à des citoyens plus que réticents à nouveau par le président Franklin Delano Roosevelt ; cette guerre de 1941 à 1945, avec un rôle absolument décisif des Etats-Unis, car sans eux le Japon l’aurait emporté en Chine et l’Allemagne en URSS, avait été provoquée de façon très machiavélique par une vraie guerre économique contre le Japon, dès l’été 1940, et des soutiens massifs en armes aux adversaires européens de l’Allemagne, à partir de l’été 1940 -donc trop tard pour la France, à quelques mois près-. Les méthodes restent manifestement les mêmes ; il faut se garder d’annoncer la Troisième Guerre Mondiale pour autant, car personne ne veut désormais d’un conflit atomique (grande nouveauté depuis 1945).

Ce messianisme états-unien s’est prolongé durant la Guerre Froide (1947-1991) face au péril communiste, pourtant sauvé avec si peu de discernement en 1942 (aide alimentaire et en carburants décisive pour l’URSS). Depuis 1991, et la fin de l’URSS, perdure cette prétention folle. Elle finira par détruire les Etats-Unis, avec son cosmopolitisme appliqué aussi à la question migratoire intérieure. Mais en attendant, elle peut causer encore de gros dégâts, avec les destructions durables de l’Irak (2003), la Libye (2011), ou cette nouvelle guerre économique lancée contre la Russie, tout comme l’aide économique et militaire (en armes antichars surtout) à l’Ukraine. Tout le discours de la Guerre Froide a été brutalement réactivé contre Poutine, qui a maladroitement facilité la tâche avec les accents parfois staliniens de ses propos.

 

Quelles sont les conséquences réelles des sanctions occidentales ? On remarque que cela va durablement pousser la Russie dans les bras de la Chine et risque d’achever nos économies.

Ceci dépend de l’importance réelle des sanctions. Précisément, y aura-t-il un embargo mondial, vraiment respecté par tous, y compris la Chine, pour le pétrole et le gaz, des exportations absolument vitales de la Russie ? Probablement pas. Ce qui ne veut pas dire que l’économie russe ne souffrira pas quand même. Mais les pays européens souffriront tout autant, nettement moins les Etats-Unis, qui commercent peu avec la Russie. En cas de hausses nettes sur plusieurs mois des prix des hydrocarbures et des céréales, de nombreux pays en développement souffriront terriblement, avec de vrais risques pour leur stabilité politique ; les grands humanistes autoproclamés visiblement s’en moquent.

Il est vrai que la Russie devient vraiment dépendante de la Chine, et devra donc accepter ses conditions, notamment commerciales. La Chine y gagnera beaucoup financièrement, et la Russie y perdra, mais préférera ce scénario à celui d’absolument tout perdre. Les sanctions, qui seront ressenties par la population russe, tendront plutôt à augmenter son agressivité contre les Etats-Unis, leurs valets, l’Ukraine. Si Poutine, but de la manœuvre, était renversé, par hypothèse, il serait remplacé par plus dur que lui, un dictateur militaire, un communiste, ou, pas le plus probable, un nationaliste. Cette dernière solution serait la meilleure pour la Russie, mais ne faciliterait pas la survie de l’Ukraine comme Etat indépendant de Moscou, bien au contraire. Toutes les alternatives réelles -et pas le rêve américain d’un libéral antimilitariste pro-ukrainien- à Poutine seraient d’ailleurs toutes plus dures pour Kiev.

Enfin, à terme, les hydrocarbures russes pourraient être remplacés, par des augmentations de production dans les Pays du Golfe, avec y compris peut-être la fin des sanctions pour l’Iran. C’est le d’ailleurs le plan de la Commission Européenne : en 2027, date prévue de l’embargo effectif sur les hydrocarbures russes, d’autres importateurs auront été trouvés. Il faut espérer que la guerre en Ukraine sera finie depuis longtemps en 2027, et les pays européens revenus à des sentiments et des politiques plus raisonnables.

 

Comment analysez-vous la position de la Chine ? Pourrait- elle en profiter pour reprendre Taiwan ?

De façon générale, la Chine veut profiter de cette crise, notamment en faisant baisser les prix des hydrocarbures russes importés. Rappelons que la Chine gagne 20 fois plus de son commerce avec les Etats-Unis et l’UE qu’avec la Russie, donc si elle devait absolument choisir, ce ne serait pas la Russie. Mais elle fera tout pour ne pas choisir. Elle s’est abstenue de condamner la Russie à l’ONU ; mais, précisément, ce n’est pas un franc soutien. Elle ne va pas se trouver enfermée dans un bloc continental isolé du reste du monde, ce qui aurait des conséquences vraiment catastrophiques, potentiellement plus qu’en Russie proportionnellement, pour son économie. C’est exactement ce qui arriverait si la Chine envahissait Taiwan, dans le contexte actuel. Elle y réfléchira donc toujours à deux fois.

Maintenant, certes, évidemment, avec ce drame ukrainien, les prudents comme moi, ont un peu peur de se tromper, et de dire franchement « non ». Cependant, l’armée chinoise, dont en particulier la marine, vitale ici, accroît chaque année la différence de capacités en sa faveur avec les forces de Taiwan. Les progrès ont lieu en qualité et en quantité, et ce en considérant les effectifs vraiment projetables sur Taiwan. Ainsi, Xi Jinping devrait plutôt attendre d’avoir une supériorité totalement écrasante, assurant la victoire, sans combats ou presque. La Chine aurait plutôt aussi intérêt à attendre un redéploiement des forces américaines vers l’Europe, qui se ferait forcément -on n’imagine pas les effectifs états-uniens augmenter- en affaiblissant les moyens consacrés à l’Océan Pacifique, ce qui faciliterait le jour venu son invasion de Taiwan, qui aura lieu probablement vers 2030.

 

La Russie apparaît comme le nouvel ennemi quasi religieux des sociétés occidentales, peut-on craindre l’opposition de deux nouveaux blocs ?

En effet, il y a là typiquement un phénomène de choc des civilisations. L’Ukraine est partagée entre la civilisation occidentale à l’Ouest, et orthodoxe à l’Est. Pour des raisons historiques, soit en particulier la plus grande tolérance politique et culturelle en Ukraine autrichienne que russe avant 1918, l’Ouest, avec parfois la petite minorité catholique uniate (unie à Rome mais de rite grec), a eu une importance disproportionnée dans la formation de la Nation ukrainienne, comme Nation clairement séparée de la Russie, au XIXème siècle. Kiev, la capitale de l’Ukraine, est aussi le berceau historique de la Nation russe au Xème siècle ; donc quand Poutine prétend non pas envahir une Nation étrangère, avec un Etat-Nation légitime, mais assurer une opération de police face à des séparatistes au sein de l’espace grand-russe, il est parfaitement sincère, et suivi par la plupart des Russes sur cette question. Les Ukrainiens sont, en nette majorité, d’un autre avis, d’où la guerre actuelle. Elle a des racines plus profondes que les intrigues récentes de l’OTAN, qui ont certes aggravé beaucoup les choses.

Au sein de l’orthodoxie, très majoritaire en Ukraine, a été promue par le président Porochenko (2014-2019) en 2018 une Eglise orthodoxe nationale ukrainienne séparée de Moscou, en principe unifiée, et ralliée à Constantinople. Le patriarcat de Constantinople est l’Eglise fantôme d’un pays disparu -Byzance gréco-orthodoxe, aujourd’hui Turquie musulmane-, et forme un pilier libéral, au moins relatif, au sein de l’orthodoxie. Tout l’Occident, anciennement protestant ou catholique, à part quelques restes marginaux comme la Pologne ou la Hongrie, est devenu massivement athée, suicidaire, contre la Famille, pour la promotion systématique des minorités sexuelles ou ethniques. Poutine, par contraste, défend très sincèrement des valeurs chrétiennes et la Famille russe authentiques, comme les bonnes mœurs. Il a seulement une vision coloniale de l’islam, assez neutre, pourvu qu’il soit encadré par l’Etat, ce qui est naïf sur ce plan. Les seuls points communs entre Ouest et Est apparents sont l’amour d’Israël et la haine du fascisme, d’où des insultes symétriques totalement absurdes. On ne peut d’ailleurs pas dire, en France comme en Russie, sa pensée profonde sur ces sujets sacrés.

Poutine ne supporte pas ce schisme ukrainien, en pieux orthodoxe russe. La chose l’énerve prodigieusement en soi, au-delà de la perte essentielle pour l’influence politique et culturelle russe en Ukraine. Il y a là une vraie guerre de religion, ignorée en général dans les analyses de ce conflit. C’est clairement une autre culture qu’en Europe ou aux Etats-Unis. C’est un schisme au sein de l’orthodoxie, soit du sacré du monde russe au sens large -Ukraine incluse, selon Moscou-, ce qui explique que Poutine, et beaucoup de Russes avec lui, se sentent directement agressés par les Etats-Unis, l’OTAN, et leurs alliés ukrainiens.

La Russie ne dirige plus aucun bloc géopolitique, à support idéologique, depuis 1989-1991. La situation actuelle n’a rien à voir avec son apogée, d’ailleurs pour le pire en soi à cette époque du communisme triomphant, sous Staline, vers 1950, avec une énorme masse continentale eurasienne, de l’Allemagne de l’Est à la Corée du Nord, en passant par la Pologne, l’URSS, la Chine. L’eurasisme de Poutine est beaucoup plus réduit dans ses ambitions, se limite aux voisins immédiats de la Russie, Biélorussie, Ukraine, Kazakhstan, ou au cadre de l’ex-URSS au plus, de l’Arménie au Tadjikistan. Les soutiens à la Russie, de pays significatifs -hors Syrie, Cuba, Corée du Nord-, timides, partiels, de la Chine, de l’Iran, de l’Inde, ne correspondent nullement à quelque constitution d’un bloc cohérent, face à l’impérialisme états-unien.

Ainsi, il n’existe qu’un bloc, dominant dans le monde, celui dit des valeurs libérales ou progressistes (selon les traductions de l’anglais, avec un quasi faux-ami polysémique célèbre). Il triomphe aux Etats-Unis et chez leurs vassaux, ainsi qu’à l’ONU et ses nombreux pseudopodes. Ce messianisme états-unien est admis, célébré comme une forme de guide et protecteur d’une Cité universelle de l’Humanité en devenir. L’inspiration profonde est indiscutablement maçonnique. Les idées maçonniques ont été massivement et efficacement diffusées sous forme de réseaux, y compris les plus récentes et extravagantes comme l’hystérie « woke », raciste antiblanche, ou les antivaleurs morales et familiales. Poutine, avec tous ses défauts, possède le mérite de ne pas supporter la décadence morale, a fortiori ostentatoire. En ce sens, il est détesté par l’antireligion dominante. Poutine reste, dans l’absolu, meilleur que Macron, ou Marine Le Pen, il faut bien, sans enthousiasme, le constater. Le personnage, comme la Russie, sont hélas trop seuls dans le monde. Ceci pourrait le rendre sympathique, superficiellement. Toutefois, ses envolées lyriques antinazies font que même moi, avec ma détestation des antivaleurs maçonniques, de l’OTAN, de l’UE, ma sympathie pour la Russie, je ne l’apprécie que très modérément.

Enfin, pour la Russie, il faudrait un véritable nationalisme, conservateur et social, structuré idéologiquement -ce qui n’a rien à voir avec le syncrétisme de Poutine, superficiel et confus-. Il existe d’ailleurs, et c’est donc d’autant plus frustrant et décevant. C’est aux camarades russes d’agir, après cette guerre. Une Grande Russie, dirigée par des nationalistes, serait l’alliée naturelle d’une France libérée, reconstruite sur des bases saines, hors de l’OTAN et l’UE. Ce n’est hélas pour l’instant qu’un rêve complet, à Paris, comme à Moscou.

Scipion de Salm

Entretien réalisé par Le Cosaque pour le Réveil des Moutons

 

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